Page 49 - C'est la Faute aux Oiseaux
P. 49
charmant homme qui rend ici d’immense services et se dévoue sans compter. Petronio décèle une
fracture des vertèbres au niveau du cervelet et me dit qu’il ne peut pas intervenir à cet endroit, il
faut attendre.
Cette attente durera une semaine, une semaine qui sera un long cauchemar.
De jour et de nuit je suis souvent près de lui, ses yeux bleus ne cillent pas, ils demeurent fixes et
grand ouverts. Il a des gestes automatiques qui donnent une cruelle impression de conscience, il
chasse une mouche posée sur son front ou passe ses doigts dans ses cheveux d’un geste qui lui
est familier.
Lorsque je suis seul près de lui, au cœur de la nuit, j’essaie désespérément d’établir un contact, je
lui tend la main, je lui parle doucement dans notre jargon de pilotes ou je lui braque brusquement
une torche électrique en plein visage, jamais la moindre réaction.
Un matin, sa respiration soudain s’accélère et cesse pour toujours quelques instants plus tard. Le
Djebel-Kallel a fait sa première et unique victime.
Les facilités sont progressive-
ment revenues avec le débar-
quement des forces alliées en
Afrique du Nord.
On met en piste de grosses voi-
tures transformées en treuils
à planeurs, de vieilles Citroën
tirent les câbles de treuillage et
déplacent les appareils.
Les avions font leur réappari-
tion, un Stampe SV4C portera
le nom de «Sergent-Chef Mom-
méja».
Dès lors, le Bagne-Paradis
a vécu, mais il demeure au-
jourd’hui encore un souvenir
heureux dans la mémoire de
tous ceux qui l’on connu.
Je ne regrette ni le temps qu’il
m’a pris, ni le mal qu’il m’a
donné, trop de pilotes y ont fait
leurs premières armes dans la
joie pour que cette joie ne soit
pas mienne.
Christian Robert-Bancharelle et le Stampe F-BDKS «Sergent-chef Mom-
méja», le jour de son brevet, le 29 décembre 1953
42 43